Jacques NAVEAU, ancien archéologue départemental, continue à s’investir activement sur le terrain du patrimoine mayennais (avec, notamment, la mise en place du nouveau musée de Saulges). Il poursuit également un important travail de vulgarisation, lors de ses nombreuses conférences pédagogiques appréciées des publics les plus variés.
Le propos qu’il avait choisi de développer, pour cette soirée bonchampoise du 27 septembre dernier, ne s’est pas borné à faire parler de vieilles pierres mais a permis d’élargir les leçons de l’archéologie à la mise en évidence des différentes voies de communication qui existaient à l’époque du Moyen-Age entre la commune et ses environs.
Une commune qui prend naissance au cœur d’une rivalité entre deux églises
Reprenant son analyse sur les ruines de la Cassine (située dans une propriété privée sur la route de Forcé) – qui avait déjà fait l’objet d’une rencontre plus intime à la Médiathèque en septembre 2006, à l’initiative de la commission Culture de l’époque1, Jacques Naveau opte pour l’hypothèse de ce premier sanctuaire du 11è s., sans doute construit pour être le siège de la paroisse et qui aurait pu devenir le centre d’un bourg n’ayant jamais pu se concrétiser.
Bien que sa construction ait pu aller jusqu’à son terme, cette église est progressivement laissée à l’abandon pour de mystérieuses raisons (environnement défavorable et contrarié par des épidémies ?), d’où son appellation de « Ecclesia de Malo Campo » – i.e « mauvais champ », attestée en 1060 dans le cartulaire de l’abbaye du Ronceray d’Angers.
Quelques dizaines d’années plus tard, une seconde église sort de terre dans un emplacement plus propice (situé à 5 kms), non loin des « bons champs » et attirant un bourg en train d’émerger (« Bono Campo »), qui deviendra le siège de la paroisse puis de la commune de Bonchamp.
Quoi qu’il en soit de l’exacte rivalité entre ces deux églises quasi contemporaines, le rapprochement des deux édifices est renforcé par une très grande similitude architecturale : les ruines actuelles de la Cassine permettent, en effet, d’identifier cinq hautes absidioles en pierres de grès roussard, que rappelle la structure du chevet roman de l’église paroissiale actuelle qui semble s’en inspirer.
Au-delà de ce constat, cette église, de taille égale à celle de St Blaise, continue à interpeller par sa structure atypique d’un sanctuaire à trois nefs et quelques éléments de décoration dans les arcatures obstruées du chevet que l’on retrouve dans l’église du Lion d’Angers2.
Les autres éléments architecturaux du Moyen-Age subsistant à l’heure actuelle sur la commune
* dans la structure de l’église :
– fragments de calcaire coquillier insérés dans les murs des absidioles de l’église St Blaise, provenant d’anciens sarcophages (de la même époque que les vestiges mérovingiens découverts en 1878 sur le site de la Cassine)
– 2 pierres tombales des 13è-14è s., l’une intégrée dans le linteau de la porte d’entrée, l’autre utilisée comme marche à la sortie droite de l’église, provenant sans doute de l’ancien cimetière.
– mur pré-roman (enfoui sous l’église) mis en évidence par des fouilles de René Diehl, archéologue lavallois du siècle précédent
* la grange « dîmière » (ou « dîmeresse »)
Improprement désigné sous l’appellation de « grenier à sel », ce bâtiment (situé rue du Maine, à l’angle de la place de l’église) qui vient de faire l’objet d’une importante réhabilitation, abritait en fait la collecte de l’impôt prélevé sur les récoltes par le clergé, en application d’un privilège accordé par l’ancien prieuré d’Avénières3.
Un réseau de voies et de chemins déjà structuré
Le second thème de la conférence fut consacré à l’inventaire des voies de communication qui, dès les origines, ont relié les stades embryonnaires de Bonchamp aux autres localités.
– On peut d’abord distinguer l’existence de voies romaines (l’une du Mans à Rennes passant par Entrammes, l’autre de Jublains à Entrammes, la troisième reliant Tours à Corseul en traversant un gué au niveau de l’actuel Vieux Pont de Laval et dont l’ancien tracé pourrait se situer en bordure de l’actuelle route du Plessis Nonain)4.
– A ce réseau de voies de l’Antiquité s’ajoutent plusieurs chemins médiévaux, dont le plus intéressant – parce que toujours présent dans le paysage communal – est le « Chemin de Misère » (Via Penuriae) datant du 11è s.
Mentionné dans un cartulaire de 1180 comme limite entre les communes de Bonchamp et d’Entrammes, il figure sur un cadastre de 1829 sous l’appellation de « Chemin du Maine ». Son ancien tracé coïncide avec l’actuel chemin des Faluères que le flâneur peut parcourir en empruntant le chemin vicinal n°113, à la hauteur du rond-point du garage « Mercedes » situé sur la RD 57.
Passant devant la ferme du « Champ du Maine » et longeant les abords du manoir de Sacé, cette route étroite se prolonge en direction d’Entrammes jusqu’au-delà du carrefour de la Croix Gaudin, à l’intersection de la RD 21 (ancienne route royale Laval-Tours) avec le Chemin du Préfet.
En conclusion, ce passionnant voyage dans le temps a permis au public (environ 150 auditeurs pour la plupart habitant Bonchamp) de s’approprier l’héritage d’une histoire, qui doit sortir des archives poussiéreuses pour mieux contribuer à façonner l’identité de notre commune d’aujourd’hui.
Michel FERRON, membre du groupe « Patrimoine »
1 : Voir compte rendu dans le Bulletin municipal n°39
2 : L’énigme de cette concurrence est à nouveau abordée dans l’ouvrage collectif sur l’Histoire et le Patrimoine des 20 communes de l’actuelle communauté de Laval-Agglomération, à paraître prochainement.
3 : Sur les rapports entre le sanctuaire d’Avénières et les débuts de la paroisse de Bonchamp, voir dans L’Oribus n°97 l’article consacré au curé JA Ménard du Hallay, encart p. 43. Un compte rendu est visible là : https://www.bonchamp-ensemble.fr/jacques-alexandre-mesnard-hallay-cure-de-bonchamp-de-1743-a-1773/
4 : On en profitera pour indiquer, à la même époque, la présence sur la commune de la villa romaine du Grand Coudray, devenue ferme gauloise appartenant au domaine des Diablintes
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