Notre ami et camarade Lucien LANDAIS est décédé le lundi 8 janvier 2018.
Au cours de la cérémonie de sa sépulture, Michel FERRON lui a rendu hommage au nom de tous ceux qui ont partagé son engagement au service de la commune, durant ses mandats d’élu municipal de 1989 à 2008.
Au revoir Lucien et merci !
De notre premier mandat commun, je retiendrai un moment particulier qui paraît assez bien illustrer la méthode et la personnalité de Lucien : c’est la période où se sont cristallisés les débats autour de l’établissement MORY. Installé aux portes de la commune, cet entrepôt de produits phytosanitaires a longtemps suscité des inquiétudes chez les riverains et l’ensemble des habitants.
Si Lucien, en particulier, s’est pleinement investi dans ce dossier, c’est parce que celui-ci lui paraissait exemplaire à plus d’un titre : à la base, une installation technique source d’interrogations sur la sécurité de la population, nécessitant un examen objectif de la réalité des risques, qui passait par de nombreuses discussions et controverses avec toutes les parties concernées et qui finiront par déboucher sur une réunion publique d’apaisement dans l’organisation de laquelle il s’était personnellement impliqué.
Homme de consensus, sans rien lâcher sur l’essentiel de ses convictions, Lucien n’était pas dans l’affrontement ni dans le rapport de forces. Sa gentillesse naturelle aidait à dépasser les conflits stériles. Il était avant tout un militant de terrain, motivé par toutes les questions qui touchaient au cadre de vie. Il n’était pas non plus homme à se mettre en avant, ni à faire de grandes déclarations tapageuses. « Des intellos, disait-il plaisamment, il en faut mais pas de trop ! » (et il avait raison…).
Mais surtout, il avait hérité de sa profession cette mentalité de technicien pragmatique avec laquelle il abordait chaque situation : à chaque dysfonctionnement, on devait pouvoir trouver une solution concrète. Présent à chaque réunion de Conseil municipal, il n’avait plus sa blouse de dépanneur ni sa sacoche d’outils mais il était toujours dans la même posture du réparateur obstiné.
C’est pourquoi, au delà de son engagement au service de la commune, il faut souligner ce qui est toujours apparu comme le fond de sa personne : c’est la grande passion qu’il a éprouvée jusqu’à la fin pour la science et la technologie modernes et qui s’enracinait dans la pratique de son métier d’automaticien où sa grande compétence était reconnue de tous. Loin de devenir un vieux ringard grincheux dépassé par son temps, Lucien est resté profondément un homme de son époque, curieux de toutes les innovations, qu’il absorbait comme une éponge, avec la gourmandise d’un adolescent dévorant une masse de revues et de magazines spécialisés. Cette jeunesse d’esprit, alliée à une silhouette juvénile qu’il avait conservée, frappait tous ceux qui l’ont fréquenté.
Bien plus, on peut dire qu’il a vécu sa maladie comme un technicien confronté à la complexité d’un système qui lui résistait, lorsqu’il disait dans son langage : « Moi, quand je bossais sur une machine en panne, il fallait bien que je trouve la pièce qui déconnait ! ». Ce fatalisme apparent n’excluait en rien sa foi inébranlable dans un progrès décisif de la recherche médicale et dans ses yeux sans cesse en mouvement brillait toujours la même lueur d’impatience.
Son énergie ne parvenait pas à dissimuler la grande détresse qu’exprimait son regard de quelqu’un qui avait soudain trop à dire pour pouvoir le dire, surtout quand le courant ne passe plus. A sa souffrance morale d’être emmuré dans son incapacité à communiquer s’ajoutait la conscience qu’il avait des souffrances qu’occasionnait son état à son entourage. Quelle suprême injustice, en effet, pour quelqu’un comme lui, assoiffé d’échanges, de partages et de découvertes, que de vivre ainsi déconnecté du monde réel !
Et pourtant, il était capable de sursauts, inspirés par le sens du collectif qui l’animait toujours. En plus de l’association France-Parkinson, dans laquelle il s’est investi avec Jacqueline et qui lui permettait de retrouver ses réflexes de militant, il était obsédé par la question de la transmission entre les générations.
Sur ce point, ses petits-enfants, en particulier, sont mieux à même de dire la richesse des échanges qu’il avait avec eux, l’attention qu’il portait à leurs découvertes mais aussi la discrète fierté que lui inspiraient leurs parcours respectifs.
Dans un texte daté de mai 2014, à la rédaction duquel Lucien nous avait associés et qui s’intitulait : Seniors, passeurs de savoir et de mémoire avec les jeunes acteurs de leur époque , il avait ébauché un projet qui lui tenait particulièrement à cœur, celui d’une structure d’échanges entre les seniors et les jeunes générations autour d’activités aussi diverses que le partage d’ateliers techniques, l’organisation d’expos photos ou des échanges de souvenirs sur telle ou telle époque …
Il avait réussi à trouver la force pour nous faire passer ce message qu’il résumait d’une formule : UNE VIE PARTAGEE EST UNE VIE REUSSIE .
L’enseignement qu’il nous invite à tirer de son parcours est clair : la maladie la plus inéluctable ne pourra jamais venir à bout de la dignité d’un être qui a décidé de l’affronter avec détermination et lucidité, en restant généreux et ouvert aux autres.
Michel FERRON
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